Ilya REPINE

LES DEUX VERSIONS D'UN MÊME TABLEAU

"Les cosaques Zaporogues écrivant
une lettre au sultan de Turquie".


 
 
Au début du XVIIème siècle l'Ukraine était occupée par la Pologne qui chargea les cosaques d'établir des communautés militaires aux frontières avec l'état Ottoman. L'une de ces communautés établie sur le Dniepr était tenue par les cosaques Zaporogues.
En 1675 les polonais après de nombreux revers militaires contre les turcs, durent leur céder plusieurs territoires,  dont celui des Zaporogues.

La haine entre les populations était grande et le sultan décida de raser cette communauté chrétienne rebelle. La tradition "historique" raconte qu'avant d'attaquer, le sultan envoya une lettre proposant aux Zaporogues de se soumettre sans combattre. Il se nommait lui-même "Le Chevalier Invincible". 
Bien entendu les cosaques envoyèrent une réponse qui se transmit ensuite de génération en génération en Ukraine, en Russie, dans toutes les communautés cosaques et même en Europe de l'ouest.  Cette lettre serait même signée par Yvan Sirko (1605-1680) célèbre guerrier ukrainien. 

Même si cette lettre est probablement fictive, elle est caractéristique de  l'esprit des cosaques Zaporogues......Et qui n'a pas rêvé d'envoyer une telle lettre d'insulte?!?

Ilya Repine était déjà un peintre reconnu en Russie depuis un dizaine d'années lorsqu'il commença cette  grande toile de 3,58 m sur 2,03 m en 1880. Il termina en 1891 et en fit deux versions. La plus connue (ici, un peu plus bas,  à droite) aujourd'hui est au Musée Russe de Saint Pétersbourg.  Beaucoup verront dans cette description de cosaques hilares malgré leurs souffrances (certains sont visiblement blessés) tout l'esprit d'indépendance, l'intrépidité et la bravoure du peuple russe.

Ukrainien d'origine, Ilya fit appel aux conseils éclairés d'un historien ukrainien Dmitro Yavoritsky. Il désirait,  écrivit-il "célébrer l'esprit d'indépendance et la fraternité des communautés cosaques.
L'artiste n'hésite pas à rester proche de ce qu'était la réalité : un clerc qui rédige en riant tout ce que lui dicte ces cosaques totalement analphabètes mais très imaginatifs.

Dans chaque version sont mis en valeur certes le côté guerrier (l'abondance des armes, des lances et des drapeaux) mais également le sens des plaisirs de la vie des cosaques : des cartes à jouer, des instruments de musique, de quoi se "désaltérer" : bouteille, gourdes à la ceinture et surtout le fameux tonneau présent dans la version de droite.

L'histoire du tonneau des cosaques telle que me l'a racontée mon grand-père (mais si vous la connaissez plus précisément, écrivez-moi - voir page d'accueil -) : 
"Passant dans une stanitsa, Pierre le Grand vit un valeureux guerrier se remettre difficilement d'une nuit joyeuse et bien arrosée. Le cosaque réalisant qu'il était plus que débraillé, pour ne pas dire in naturalibus, se précipita dans un tonneau vide pour masquer sa nudité. L'ayant fort bien vu, l'empereur lui dit que désormais les armes de son régiment représenterait un homme nu chevauchant un tonneau......."

On ne m'empêchera pas de penser qu'Ilya Repine connaissait l'histoire du tonneau !

Lettre du Sultan Mahmoud IV 
aux cosaques Zaporogues

En tant que sultan, fils de Muhamad, 
frère du Soleil et  petit-fils de la Lune, 
Vice-roi par la grâce de Dieu des royaumes de Macédoine, de Babylone, de Jérusalem, 
de Haute et Basse Egypte, 
Empereur des Empereurs, 
Souverain des Souverains, 
Invincible Chevalier, 
Gardien indéfectible jamais battu du Tombeau de Jésus Christ, 
Administrateur choisi par Dieu lui-même, 
Espoir et Réconfort de tous les musulmans, 
et très grand défendeur des chrétiens, 

J' ordonne, 
à vous les cosaques Zaporogues 
de vous soumettre volontairement à moi sans aucun résistante 
et d'arrêter de m'ennuyer avec vos attaques.

Sultan Mahmoud IV
 

 

Réponse des cosaques Zaporogues 
au sultan de Turquie

 A Toi Satan Turc, frère et compagnon du Diable Maudit, serviteur de Lucifer lui-même, Salut !

Quelle diabolique sorte de noble chevalier toi?
Vomis du Diable avec ton armée dévorée. 
Tu n'auras jamais les fils du Christ sous tes ordres : ton armée nous n'en avons pas peur et par la terre ou par la mer on continuera à se battre contre toi.

Toi, scullion de Babylone,
chartier de Macédoine, brasseur de bière de Jérusalem, fouetteur de chèvre d'Alexandrie, troupeau de pourceaux d'Egypte la petite et la grande, truie d'Arménie, chèvre tartare, bourreau de Kamenetz, être infâme de Podolie, petit-fils du Diable lui-même,
Toi, le plus grand imbécile malotru du monde et des enfers et devant notre Dieu, un crétin, un groin de porc, cul d'une jument, un sabot de boucher, un front pas baptisé, puisse le Diable te prendre!
C'est ce que les cosaques ont à te dire, à toi sous produit d'avorton! Tordu es-tu donner des ordres à de vrais chrétiens!!
Nous n'écrivons pas la date car nous n'avons pas de calendrier,la lune est dans le ciel,
l'année est dans un livre ainsi que le jour, et nous sommes chez nous ici comme toi là-bas
et tu nous embrasses où tu sais bien!

La version "soft" de Guillaume Apollinaire :

Plus criminel que Barrabas 
Cornu comme les mauvais anges
Quel Belzébuth es-tu là-bas 
Nourri d'immondice et de fange
Nous n'irons pas à tes sabbats. 
Poisson pourri de Salonique 
Long collier des sommeils affreux 
D'yeux arrachés à coup de pique
Ta mère fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique.
Bourreau de Podolie, Amant
Des plaies, des ulcères et des croûtes 
Groin de cochon, cul de jument
Tes richesses garde-les toutes
Pour payer tes médicaments.

J'ai aussi trouvé sur internet une ... hum....version 
de "Les Cosaques Zaporogues..." qui mélange 
allègrement les tableaux de Repine... 
Le tout ornant une boite laquée 
qui n'avait rien demandé à personne.
Mais je ne vous donnerai pas l'adresse du  site, 
ce genre de "bricolage artistique" 
hérissant les poils de ma chapka !!!

Et en plus je n'ai pas de mémoire!


 

©Marie Deriglazoff - 2004 à2010-