Saint  SERAPHIN
de Sarov
 
 

01/08 - 19/07
 


 
 
Saint Séraphin, thaumaturge de Sarov, grand serviteur de Dieu et intercesseur de la Terre Russe, appartient à la multitude des ascètes russes du XIXème siècle qui étaient animés díun désir insatiable de vie spirituelle, de perfection morale et un noble díun élan vers la liberté véritable, liberté qui consiste avant tout en la libération de líhomme vis à vis du péché. Par lí élévation et la force de sa foi, le staretz Séraphin reste pour les russes orthodoxes le représentant le plus glorieux de son époque, et sa vie par une ascension " de degré en degré " ne cesse díoffrir un intérêt profondément édifiant.

Le père Séraphin, dans le monde Prokhore Isidorovitch Mochnine, naquit le 19 juillet 1759 à Koursk, rue Saint Serge, près de líéglise Saint Serge de Radonège. Ses parents, Isodore et Agathe Mochnine, appartenaient à la célèbre et riche corporation des marchands de Koursk. Ils avaient aussi un fils aîné, Alexis, qui par la suite reprit de son père et dont la descendance subsiste encore de nos jours. Isidore Mochnine, propriétaire de briqueteries, était un grand fournisseur de matériaux pour la construction díéglises et de maisons. Il mourut alors que Prokhore níétait âgé seulement que de trois ans. Cíest sa mère qui reprend alors la direction de la maison orpheline, mais se consacre surtout de líéducation de ses enfants en leur inculquant la crainte de Dieu, et le respect du prochain.

Il nous reste peu de renseignements sur líenfance de Prokhore, mais toutes ses biographies rapportent deux évènements de sa jeunesse. Le premier, alors quíil avait sept, fut une grave chute sur le chantier díune église dont il se releva indemne. Sa mère persuadée quíil était mort, et dans líangoissant pressentiment de ce terrible malheur, descendit de líéchafaudage de líéglise mais Prokhore était sain et sauf. Par ce miracle, sa mère ne pouvait pas encore discerner la protection divine particulière envers son fils.

Líautre fait fut líapparition miraculeuse quíil eut de la part de la Mère de Dieu. A cette époque, Prokhore âgé alors seulement de dix ans tomba gravement malade et vit en songe la Très Sainte Mère de Dieu qui lui promit de le guérir. Quelque temps plus tard dans la ville, une procession avec líicône de la Mère de Dieu de Koursk passait justement dans la rue où habitaient les Mochkine. Comme il se mit à pleuvoir, et pour prendre un raccourci, la procession passa par la cour des Mochnine. La mère de Prokhore se pressa pour le présenter à líicône et depuis ce jour, son état síaméliora. Cette maladie ainsi que sa chute níébranlèrent pas la solide santé de Prokhore. Le garçon grandissait en force, avec une grande sensibilité, et se faisait remarquer par sa très bonne mémoire ainsi que par ses vertus díhumilité et de douceur qui chez lui paraissaient innées.

Il faut noter quíà cette époque on apprenait à lire principalement dans le psautier, et la beauté des églises avec leurs offices imprimait dans líâme des enfants, chaleur, pureté et élévation de pensées. Le jeune Prokhore se sentait attiré par ces sources salvatrices et prit goût à la lecture des saintes écritures à líéglise ainsi que celles faites par les adultes. Ayant appris ensuite à lire les Heures et le Psautier, la fréquentation des offices devint pour lui díune nécessité vitale. Ce zèle pour líEglise et líéducation de la parole de Dieu eurent une grande influence sur le futur destin de Prokhore. Fortifié spirituellement, il se formait en lui la décision de quitter le monde pour se consacrer à la vie austère de moine. Cette décision mûrit complètement dans sa dix-septième année. Sa mère intelligente et favorable à la piété chrétienne ressentit dans son cúur maternel la vocation véritable de son fils et ne líempêcha pas de réaliser ses projets secrets.

Jadis, la vie des orthodoxes russes orthodoxes dans ses nombreuses manifestations, était remplie de múurs édifiantes et suscitait de touchantes coutumes solennelles, si belles par leur simplicité. Si un membre de la famille síapprêtait à partir en voyage à pied ou en voiture, tout le monde devait síasseoir durant un silence plein de grâces qui emplissait et ceux qui partaient et ceux qui restaient. Durant ces minutes, une pensée terrible pouvait leur venir à líesprit : Níavait t-on rien oublié díessentiel ou díimportant et emportait-t-on aussi en soi la paix et la sérénité de líâme ? Ainsi cette tradition russe était aussi fortement enracinée dans la famille Mochnine, et les adieux de son fils Prokhore furent émouvants quand celui-ci partit vénérer les saints de Kiev et là-bas, dans le silence, auprès des saints et des startzy, y éprouver sa décision de quitter les vanités du monde.

Pendant les adieux, tous assis en se taisant durant ces secondes pensaient certainement à de nombreuses choses, priaient Dieu, quand Prokhore se prosterna devant sa mère qui lui fit embrasser les icônes du Sauveur et de la Mère de Dieu, le bénit en lui donnant une grande croix de cuivre. Seulement après, il partit. Il garda et porta cette croix par-dessus son vêtement ouvert sur la poitrine durant toute sa vie et jusquíà sa mort. Accompagné de la bénédiction de sa mère et de ses proches, Prokhore arriva à Kiev. La magnificence des églises, líabondance des lieux saints et des monastères où vivaient de nombreux moines, lui procurèrent une joie spirituelle ineffable.

Aussitôt, il alla trouver le staretz Dosithée, un reclus doué de clairvoyance et díune très riche expérience spirituelle, qui vivait à cette époque dans le désert de " Kitaïev " non loin de la Laure des Grottes de Kiev. Le jeune Prokhore frappa, avec crainte, joie et frémissement, à la porte de la cellule de Dosithée, le reclus. Il entra et síagenouilla. Versant díabondantes larmes, il lui ouvrit son âme, ses pensées, puis humblement lui demanda conseil. Ayant reçu sa bénédiction, il lui demanda vers qui il convenait de se diriger pour une direction spirituelle salutaire afin de combattre le mal et où il pourrait trouver ce lieu, cette cellule, ces pierres díéglise qui représenteraient pour lui des étapes sûres dans son cheminement spirituel.

Le staretz Dosithée caressa le jeune garçon et lui indiqua le désert de Sarov. Réjoui et rassuré par líordre du reclus, et après avoir apaisé sa faim spirituelle et vénéré les reliques des saints de Kiev, Prokhore revint pour peu de temps vers sa ville natale de Koursk, dans sa famille. Il quitta alors définitivement le nid familial pour les lointaines forêts de pins du désert de Sarov.

Le 20 novembre 1778, veille de la fête de la Présentation au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu, Prokhore, âgé de dix-neuf ans parvint à Sarov. On peut imaginer avec quel sentiment émouvant díhumilité le jeune pèlerin aperçut le monastère que Dieu lui destinait. Cíétait en hiver, les frimas ne refroidissaient pas líardeur du pèlerin. Líépais blanc manteau de neige correspondait bien à la pureté des désirs du jeune homme, la silhouette imposante des pins et des sapins séculaires, par leur parure, disaient la vie éternelle que rien ne peut emprisonner, ni geler, et des forces souterraines mystérieusement donnaient aux arbres une vivante et verte beauté.

Il faut dire que la seule vue du désert de Sarov qui fait partie de líhistoire sainte de líascétisme donne à líhomme une chaleur toute particulière. Ce site très pittoresque avec le monastère construit sur un escarpement élevé et les coupoles de líéglise de la Dormition visibles de loin dans les environs, attire, par son calme monastique et accueillant, le voyageur fatigué. Là, au bas de la colline où se situe le monastère, les deux rivières Satis et Sarvka se rejoignent et aux alentours, cíest líépaisse forêt sans aucune habitation.

En ce temps-là, le recteur du désert était le sévère mais tendre higoumène Pakhôme. Issu lui aussi díune famille de marchands, il connaissait les parents de Prokhore. Grâce à son regard expérimenté, il devina toute la force et la pureté díintention du jeune homme, puis le reçut paternellement et le remit à líobédience et aux soins du trésorier, le hiéromoine Joseph. Auprès de ce staretz, Prokhore dut accomplir le service de la cellule, puis comme novice, il fut envoyé à la boulangerie, pour les prosphores, et à la menuiserie. Il devait aussi réveiller les frères pour les offices du matin et remplir la fonction de sacristain.

Líensemble des activités du jeune novice ne síarrêtait pas uniquement à líexécution facile du travail même fatigant. Avec son grand zèle, il fixa son attention sur sa propre vocation, sur ce qui justement constitue le plus important et líunique raison díêtre du moine. Il se mit à se rééduquer, se surveillant constamment tout en aspirant à la perfection morale. Là, le jeune homme élevé avec la crainte de Dieu, dans une famille orthodoxe russe, síengagea avec vigueur et zèle sur le chemin de líabnégation : obéissance dans le travail, douceur et tempérance, mais surtout la prière, voilà tout ce qui était maintenant sa règle de vie.

Il savait quíici, au monastère, sous la conduite rigoureuse de startsy éprouvés dans leur vie spirituelle, il lui était plus sûr de se garder des tentations du monde et quíil y aurait plus de possibilités díexploits ascétiques pour découvrir totalement en lui-même líesprit évangélique.

Fermement décidé à accomplir spirituellement son exploit, il síengagea joyeusement sur ce chemin díaccomplissement à partir des conseils de la vie monastique de saint Jean Climaque : " Comme le navire qui avec un pilote habile arrive sain et sauf au port avec líaide de Dieu, ainsi en va-t-il de líâme guidée par un bon pasteur ; elle síélève facilement vers le ciel, bien quíelle fut auparavant pécheresse... Comme celui qui, sans guide va sur un chemin inconnu, et peut facilement se perdre, bien quíil soit raisonnable, de même en est-il dans le monachisme : celui qui accomplit líobédience de sa propre volonté périt facilement, malgré la connaissance de la sagesse du monde ".

Cette attention si sérieuse et réfléchie de lui-même sur son comportement de moine, se reflétait par-dessus tout lorsque le jeune novice assistait avec assiduité aux offices tout en restant debout sans bouger, et toujours à la même place du début jusquíà la fin. Il accomplissait aussi díune manière stricte la règle monastique dans sa cellule.

Bien entendu, il est difficile díimaginer que Prokhore, âgé de vingt ans, ne pouvait avancer sur cette voie monastique sans obstacle ni combat. Les pensées, les peines, líennui, líabattement, ces compagnons permanents du péché qui empoisonnent la vie quotidienne dans le monde, passent aussi bien sûr aussi à travers les murs des monastères. Et le moine Prokhore repoussait victorieusement et avec force ces pièges diaboliques tout en menant le combat dans une surveillance constante et en síimposant une règle de travail.

Chez lui, Prokhore lisait les saintes écritures et accomplissait des travaux physiques. Il lisait líEvangile et les épîtres des Apôtres toujours débout ainsi que líHexameron de saint Basile le Grand, les entretiens de saint Macaire le Grand, líEchelle sainte de saint Jean Climaque, la Philocalie et beaucoup díautres livres au contenu moral et religieux. Cette grande connaissance des Saints Pères développa en lui la capacité díappliquer tout ce quíil lisait au travers des comportements divers de líêtre humain, de là son aptitude à éclaircir toute situation par ses décisions claires et conformes à la parole de Dieu.

Par son activité physique, il participait aux travaux en commun des moines : flottage du bois, préparation des bûches, et pendant son repos, il sculptait des croix en bois de cyprès pour les distribuer aux fidèles. Mais la prière et líabstinence était ce quíil aimait par-dessus tout. Devenu un très grand ascète, jeûnant, travaillant, le moine Prokhore était déjà conscient du sens de líascèse et de la douceur de líétat monastique. Par la suite, sa vie fut un exemple concret díascétisme, díun constant travail sur soi, de négation de soi, díabstinence, de renoncement aux plaisirs et aux consolations du monde, tout ce qui constitue malheureusement, le lot díun petit nombre de gens forts.

Actuellement et à des diverses époques sont apparues de nombreuses associations sportives où líon exerce volontairement ses membres, ses muscles, et développe la plastique et le rythme du mouvement, ce qui aide au développement du corps, à la santé physique et procure du bien-être et la société approuve toute sortes de sports. Mais dans le même temps, quelles vives attaques nía-t-on pas entendues et entendons-nous encore au sujet de líascétisme dans les enseignements de líEglise, qui est cependant líessence et le fondement même de toute spiritualité chrétienne.

Les livres et les journaux profanes, en majorité, síindignent souvent avec méchanceté contre líascétisme et le monachisme, et síopposent aux chercheurs de la vérité et du renouveau religieux. Pourquoi, pensent-ils, tous ces jeûnes, ces stations debout à líéglise, ces larmes de mortification, cette contrition des péchés, alors quíil est dit que le christianisme est la religion de la joie et de la gaieté ? et que le monachisme la recouvrirait de peine et díun habit noir ? Dieu a donné à líhomme, líunivers, une famille, la vie pour se réjouir, mais le monachisme qui exige le refus austère de tous ces biens, cela pourrait paraître contre nature.

Il nous à sembler nécessaire ici díintroduire cette courte réflexion sur le monachisme et líascétisme, car díune part líathéisme virulent et contemporain essaie díeffacer de la surface de la terre le concept même du monachisme, et díautre part parce que les orthodoxes, par des conditions de vie en Europe occidentale sont obligatoirement amenés à côtoyer díautres conceptions au sein de mouvements chrétiens à caractère sectaire, qui níont aucun enseignement sur le jeûne, líascèse et les vúux monastiques.

Par ailleurs, en se reportant à des époques anciennes, nous découvrons que les déserts égyptiens, qui se comptaient alors par dizaines de milliers, síavéraient être le royaume des moines. Líhistoire du peuple russe orthodoxe nous convaincra aussi par líédification de centaines de monastères qui dans le passé surgirent à líextrême Nord, - dans des régions absolument désertiques peuplées díindigènes telles les régions austères et sauvages díArkhanjebsk, díOloretz, de Vologda, de Viatka, la région de Moscou, de Iaroslav, et de Pochekhon. Ces monastères ont brillé comme des étoiles, car les moines et ascètes qui parcouraient les forêts impénétrables de ce Nord, alors désert, laissèrent partout des " skits ", des monastères, et tant díautres lieux saints.

Le monachisme a donc laissé dans la société russe et dans la vie privée des individus une empreinte díordre, de paix, de pureté, et a su inspiré líobéissance envers les aînés, la bonté, la patience, líespérance en la miséricorde et dans la volonté de Dieu, ainsi que líindifférence aux biens terrestres. Serait-ce mauvais ? Il est vrai que les vertus chrétiennes exigent de chacun cette vie díascèse : patience et humilité, chasteté, douceur et abstinence. Ainsi par nature, des hommes qui aspirent à un séjour paisible hors des bruits du monde, devenus étrangers à une vie de famille, priant et contemplant les choses divines, deviennent-ils moines.

Pourquoi les éloigner de líascèse ? Y-a-t-il si peu de circonstances dans la vie où par devoir, les gens fuient les obligations profanes ? Ici, au contraire, une seule règle : celui qui en est capable, celui-ci doit accomplir líexploit ascétique. Otez líascétisme de la religion, et non seulement la force qui anime cette part de líâme humaine fuira le monde, mais aussi se taira la source de toute autre animation.

Le peuple russe orthodoxe a vénéré le saint ascétisme, a recherché la vie des monastères, a fait de pieux pèlerinages pour vivre pendant de longues années auprès de startsy connus et devenir ainsi ce flambeau de foi et de piété.

Voilà líidéal de vie que le jeune Prokhore portait en son cúur. Il síy appliquait de toutes ses forces, dans un grand élan spirituel et durant ses premières années au monastère, Prokhore síimposa un jeûne très sévère. Il ne mangeait ni le mercredi, ni le vendredi, et les autres jours de la semaine ne prenait de la nourriture quíune fois par jour. Avec la bénédiction et líautorisation de son staretz Joseph, le jeune Prokhore se mit à rechercher la prière solitaire à ses moments libres dans la forêt. Au plus profond de celle-ci, il se construisit une hutte et là il síabîmait dans la prière contemplative. Dans le silence, loin des hommes, il síadonnait avec amour à sa règle de prière, entouré des splendeurs immuables de la nature, qui lui dévoilait la grandeur du Créateur tout-puissant.

En 1780, Prokhore, tomba gravement malade. Son corps était enflé et la maladie ne cédait à aucun traitement, sans doute une hydropisie qui dura trois ans, et pendant laquelle il resta alité un an et demi. Le respect inhabituel que les startsy et les frères de Sarov avaient pour le jeune moine, se manifesta aussi durant sa maladie. Le staretz Joseph, líhigoumène Pakhôme, le staretz Isäie étaient constamment avec lui, et les frères lui accordaient toute leur attention et leur prière. Un jour, le staretz Joseph pria pour la santé de Prokhore durant la Divine Liturgie. Le malade se confessa et communia. Et voici que dans une lumière ineffable la Mère de Dieu lui apparut avec les apôtres Jean le Théologien et Pierre. Notre Souveraine, montrant le novice à saint Jean le Théologien lui dit : " Celui-ci est de notre race ". Elle posa sa main droite sur sa tête et avec le sceptre quíelle tenait dans sa main gauche, toucha le malade. Le signe visible de ce contact fut une cavité sur la jambe de Prokhore, à travers laquelle síécoulèrent de líeau et du pus, ce qui le faisait tellement souffrir. Ensuite, Prokhore se trouva vite guéri par miracle.

Bientôt, on se mit à construire dans Sarov de nouveaux bâtiments. La cellule où vivait Prokhore et dans laquelle avait eu lieu sa guérison miraculeuse, fut détruite et sur son emplacement on construisit un hospice pour vieillards et une église à deux étages ; celui du bas fut placé sous líinvocation des saints Zossisme et Savra de Solovki et celui du haut sous líinvocation de la Transfiguration du Seigneur.

Le moine Prokhore, désigné pour collecter les dons nécessaires à la construction de cette église, alla donc dans de nombreuses villes et villages de notre mère la Russie, et comme le dit Vekrassov : " Pour lui, rien níest éloigné, il passait de Moscou à la Mer Caspienne et aux bords de la Néva impériale... ". Il séjourna aussi dans sa ville natale de Koursk, chez son frère, se rappela son enfance et de leur mère si tendrement aimée, qui reposait en terre ; il alla au cimetière et resta longtemps à se recueillir dans la prière sur la tombe de ses parents. Son frère Alexis qui gérait bien ses affaires, fit un don généreux pour líéglise du monastère.

Dans certaines biographies de St Séraphim, on nous renseigne sur líapparence extérieure du novice à cette époque : " Pas beaucoup plus âgé de 25 ans, il était de grande taille, avec un visage pâle et rond, le nez droit et effilé, des yeux bleu clair expressifs et pénétrants, des sourcils broussailleux, des cheveux épais de couleur châtain clair. Il était fort et robuste, possédait un discours attirant, une mémoire exceptionnelle et une faculté de compréhension aiguë.

Le 13 août 1786, Prokhore fut tonsuré et reçut le nom de Séraphim, ce qui signifie " flamboyant ". Celui qui reçut Prokhore voulait lui imprimer pour toute sa vie cette flamme spirituelle qui se pressentait déjà dans le jeune novice. Un an après, en décembre 1787, il fut ordonné hiérodiacre et depuis lors pendant six ans il participa presque toujours aux offices. Il renforça sa prière en cellule ; la veille du dimanche et des fêtes, il priait debout toute la nuit sans ressentir de fatigue et sans avoir besoin de repos. Grâce à de tels exploits, le père Séraphim eut le privilège de révélations particulières.

Parfois il voyait des anges en vêtements blancs et or concélébrer avec les frères durant les offices monastiques. Le hiérodiacre Séraphim eut le privilège particulier díune vision remarquable durant la Divine Liturgie du grand Jeudi Saint : " Quand après la petite entrée, le hiérodiacre Séraphim proclama : ëSeigneur, sauve les fidèles et écoute-nousí puis síétant adressé au peuple il termina en disant : ëet dans les siècles des sièclesí, soudain il se produisit en lui un changement, car il ne pouvait plus bouger de sa place et dire un mot. Les célébrants comprirent quíil avait une vision. Les autres hiérodiacres líamenèrent dans le sanctuaire où il resta trois heures, tantôt le visage tout illuminé, tantôt tout pâle, níétant pas en état de prononcer un seul mot. Quand il revint à lui, il raconta sa vision aux pères Joseph et Pakhôme, ses startsy.

" Je venais de proclamer, disait-il, ëSeigneur sauve les fidèles et écoute-nousí et levant líorarion sur le peuple, je terminais, ëet dans les siècles des sièclesí quand soudain comme un rayon de soleil míéblouit et je vis Notre Seigneur Jésus Christ, comme le Fils de líHomme en gloire, brillant díune lumière ineffable et entouré des puissances célestes, des anges, des chérubins et des séraphins, tels un essaim díabeilles, síélevant dans líair à partir des portes occidentales de líéglise. Le Seigneur síapprocha de líambon, éleva ses mains très pures et bénit les célébrants et les fidèles. Puis il entra par les portes royales là où se trouve sa Sainte Image et entouré díune multitude díanges, il fut transfiguré tandis quíune lumière ineffable remplissait toute líéglise. Moi, qui ne suis que terre et cendre, à cette rencontre du Seigneur Jésus Christ, je fus trouvé digne de sa part díune bénédiction particulière. Mon cúur se réjouit de toute sa pureté, éclairé, dans la douceur de líamour envers Dieu ".

Cette apparition miraculeuse renforça son exigence de la prière solitaire ; et il alla plus souvent, le soir dans son ermitage, en forêt, y priait toute la nuit et le matin repartait à Sarov.

Le 12 septembre 1793, appelé par son évêque dans la ville de Tambov, le hiérodiacre Séraphim, fut ordonné hiéromoine et à partir de ce jour-là, vivant au désert même , il communia tous les jours. Investi de la grâce du sacerdoce, avec quelle dévotion et quel amour, il accomplissait le service de la Sainte Eglise ! Comme un séraphim céleste, il se vouait entièrement au service de Dieu, se fortifiait par sa prière devant lui nuit et jour ; il ne pensait plus ni à manger, ni à boire, et regrettait díavoir besoin de repos et de ne pouvoir servir Dieu sans interruption. La tâche de sa vie consistait dès lors, selon son expression personnelle " en la construction définitive de la demeure de líâme. Désormais, sa poitrine porte un cúur semblable à de la cire, qui recèle dans une joie ineffable les visions célestes dont il est habité.

A cette époque le père Séraphim était déjà bien préparé pour le grand exploit ascétique quíétait la vie solitaire au désert. Le recteur du monastère, le père Pakhôme, mourut bientôt et avant de mourir lui donna sa bénédiction afin quíil commence son activité solitaire.

Le 20 novembre 1794, le hiéromoine Sérapahim, âgé de 35 ans, partit dans lí épaisse forêt à cinq ou six verstes du monastère, près de la rivière Sarovka, pour síisoler dans sa cellule au désert. Le prétexte de ce départ fut quíà cause de ses longues stations debout à líéglise, ou de ses prières en cellule, ses jambes síétaient mises à enfler et des ulcères síétaient formés.

Sa cellule en forêt, une simple isba avec une entrée de quelques marches, comportait un poêle ; elle était entourée díun potager que le père cultivait líété. Il possédait aussi des ruches.

Il était habillé des vêtements des plus simples et des plus rudes avec sur la tête une petite toque usée, sur ses épaules une soutane de lin blanc, aux mains des moufles en cuir et aux pieds des sortes de bottes, comme des chaussettes en cuir et des lapk..... On pouvait voir sur sa poitrine une croix en cuivre, celle que sa mère lui avait remise au moment de son départ, et sur son dos un sac qui renfermait toujours les Evangiles. Hiver comme été, il portait toujours les mêmes habits. Au travail, il était toujours díhumeur joyeuse et radieuse. Il arrivait que pendant son travail, sa pelle ou sa bêche tombent soudain de ses mains, tandis que son visage prenait une expression extraordinaire, et il restait ainsi debout et immobile, síabîmant dans la contemplation des mystères divins.

Il travaillait toujours en chantant des chants liturgiques quíil connaissait par cúur comme le dogmatique, ton 1 : " Gloire universelle... " et líantiphone : " Les anachorètes ont toujours soif de Dieu ". La règle de prière au désert était très importante et très stricte et souvent, à la place des prières du soir, il faisait mille prosternations díun seul coup. Le père Séraphim ne se nourrissait pour ainsi dire que de légumes ; il prenait le dimanche au monastère du pain rassis et sec pour toute la semaine, mais le distribuait presque entièrement aux oiseaux et aux animaux de la forêt qui venaient jusquíà lui et líaimaient. Il lui arrivait parfois de refuser de prendre du pain au monastère. Il arriva à un tel degré de jeûne que pendant presque trois ans, il ne se nourrissait que díherbe, de líégopode, quíil cuisait dans un pot et faisait sécher pour líhiver.

Les dimanches ainsi que la veille et les jours de fêtes, le père Séraphim se rendait au monastère et durant les offices restait debout, puis communiait aux saints mystères. Ces jours-là, il parlait avec les moines qui avaient besoin de ses sages conseils, et ensuite repartait au désert. En un mot, le père Séraphim, se consumant díamour pour Dieu, se livrait au désert à des formes díoubli de soi et à la règle de prière. " Líisolement, la prière, líamour et la tempérance sont les quatre roues qui emportent líesprit vers le ciel " disait-il souvent et il était le premier à líappliquer.

Durant ces années, le père Séraphim évitait les visiteurs par tous les moyens. Díhabitude il saluait humblement les gens quíil rencontrait dans la forêt et aussitôt síécartait. Ceux qui voyaient líermite pour la première fois étaient fortement impressionnés. La seule vue de ce serviteur de Dieu habillé pauvrement touchait líâme et témoignait de quelque chose de sublime et de spirituel tout en inspirant de la vénération aux hommes mais aussi aux bêtes sauvages. Quel tableau extraordinaire et touchant que líascète Séraphim qui nourrit de ses propres mains un ours de la forêt qui le regarde avec une tendresse toute particulière et qui lui obéit ! A ce moment-là, regardez attentivement le visage du père Séraphim, qui brille díune lumière angélique de joie et de miséricorde et vous pourrez y déchiffrer le secret de líhumilité et de líobéissance de líours.

Mais la vie intensive de líascète excita la méchanceté cruelle du démon qui lui infligea diverses épreuves. Un jour, pendant la prière, le père Séraphim entendit un hurlement sauvage à líextérieur de sa cabane. Une autre fois, il sentit que toute une foule de personnes bruyantes qui frappait à sa porte la brisa puis jeta à líintérieur un énorme morceau de bois que huit personnes auraient eu bien du mal à enlever. Parfois durant la prière, il lui semblait que sa cellule síeffondrait et que des bêtes sauvages se jetaient sur lui en hurlant ou il voyait aussi un cercueil ouvert díoù sortait un cadavre.

Le père Séraphim surmontait toutes ces épreuves et visions extérieures par la puissance du signe de la croix, mais alors líennemi redoublait ses attaques avec une rage encore plus grande ; il soulevait líascète et le jetait avec une telle force à terre que ses os auraient dû se briser si líaide de Dieu ne líavait pas préservé à ce moment-là. On peut penser que le père Séraphim éprouvait à sa mesure la force tentatrice des esprits du mal. A la question naïve díun laïc au sujet des démons, líascète répondait en souriant : " Ils sont abjects. Ainsi quíun pécheur ne peut soutenir líéclat díun ange, ainsi est-il terrible de voir les démons car ils sont abjects. "

Durant ces années, le père Séraphim fut élu deux fois higoumène et archimandrite du monastère mais par modestie il refusa ces propositions. Devant une telle humilité, le diable fit síabattre sur lui un nouveau malheur terrible encore plus puissant quand il suscita dans son âme par de très fortes tentations un combat spirituel. Le père Séraphim peinait ; en effet celui qui fixe son attention sur sa vie spirituelle, peut contrôler plus sévèrement les mouvements de son cúur, par une conscience de plus en plus aigüe, mais alors les agressions de líennemi se feront de plus en plus fortes. Car dans le combat spirituel, líennemi souvent attaque là où se trouvent concentrées les forces principales afin de mieux briser et détruire tout principe de résistance. Invoquant le secours du Christ Sauveur et de la Mère de Dieu, le père Séraphim décida de réaliser líexploit des stylites.

Dans la forêt, à mi-chemin entre sa cabane et le monastère, se trouvait une très grande pierre de granit. Cíest à cet endroit le père Séraphim décida de devenir stylite. Chaque jour, à la tombée de la nuit, il restait en prière, debout ou agenouillé sur la pierre, et les bras levés il répétait sans cesse : " Dieu, aie pitié de moi pécheur... " Il déposa aussi dans sa cellule une autre pierre sur laquelle il priait dans cette même attitude, durant tout le jour. Il accomplit cette grande prouesse pendant mille jours et mille nuits. Un tel effort physique et une prière ininterrompue lui procuraient de grandes consolations. Le malin arrêta díéprouver le père Séraphim dont líâme síétait forgée et les tentations cessèrent de troubler ses pensées. Cependant, à cause de ces stations, durant presque trois ans, son état physique síétait affaibli et líétat de ses jambes de nouveau avait empiré. " Les forces humaines níétaient pas suffisantes " dira à ce propos le père Séraphim, " Je trouvais une force intérieure et un don céleste issu du Père des lumières qui me consolait. Quand notre cúur síadoucit, alors Dieu est présent. "

Déjà âgé, líascète Séraphim,, peu de temps avant sa mort, se confia à ses frères au sujet de ces longues stations. Les pierres sur lesquelles le père Séraphim a prié existent encore de nos jours mais il ne reste plus quíun seul morceau de la grande pierre. Ceux qui venaient en pèlerinage à Sarov pour vénérer le père Séraphim, en emportaient des morceaux en souvenir. Longtemps dans les familles russes orthodoxes, on gardait pieusement des morceaux de granit sur lesquels était représenté le père Séraphim en prière, et qui furent transmis à leurs descendants.

Un exemplaire de cette pierre est conservé à líéglise de Saint Séraphim de Sarov, 91, rue Lecourbe à Paris. Cíest un don rapporté de Russie, de Tsarskoïe Selo, que fit Ekaterina Serguievna Dokhtourosa à líauteur de ces lignes. Là se trouve aussi une petite parcelle de la mante de Saint Séraphim de Sarov (don de líarchevêque Alexandre, un fervent admirateur de Saint Séraphim qui líinvoquait avec force). Ces deux saintes reliques avec un peu de farine donnée jadis à Sarov, ont été insérées dans líicône de saint Séraphim, qui repose sur " líanaloï ", devant laquelle une veilleuse brûle maintenant à Paris en líhonneur de cet homme de Dieu, depuis déjà deux ans.

Les épreuves du père Séraphim níétaient pas encore terminées. Le 12 septembre 1804, il était en train de couper du bois en forêt, lorsque trois paysans inconnus síapprochèrent de lui et lui demandèrent de líargent en líinsultant avec grossièreté. Sans se servir de sa hache pour se défendre, bien au contraire, il la posa et croisant les bras leur dit : " Faites ce que vous devez ". Ils le frappèrent à la tête avec la hache, aussitôt du sang síécoula de sa bouche et des oreilles, et il tomba raide mort. Enfin, ils le ligotèrent, voulurent le noyer dans la rivière, mais pensant quíil était déjà mort, ils le jetèrent dans líentrée de sa cellule quíils fouillèrent minutieusement pour y chercher de líargent. Níen trouvant pas, ils ne virent quíune icône et quelques pommes de terre. Déçus, les brigands se mirent en colère, síaffolèrent, puis prirent peur et síenfuirent.

Peu de temps après, le père Séraphim revint à lui, défit ses liens avec peine et avec líaide de Dieu arriva le lendemain à Sarov pour la liturgie. A ce moment-là son aspect était terrible, ses cheveux et sa barbe emmêlés tout couverts de poussière, étaient collés par le sang coagulé. Ses mains et son visage étaient fortement ensanglantés, quelques dents étaient cassées, son habit tâché de sang collait par endroit aux plaies de son corps. Les médecins accourus díArzamas, trouvèrent des fractures du crâne, des côtes et la poitrine enfoncée, et síétonnèrent de le voir encore en vie. Quand ils líauscultèrent, le père Séraphim síendormit et eut une vision de la Très Sainte Mère de Dieu qui síapprocha de son lit avec les apôtres Pierre et Jean le Théologien, et leur montrant líascète dit : " Celui-ci est de notre race ". Se réveillant, le martyrisé ressentit un soulagement et une joie intense de plénitude spirituelle. Le même jour et pour la première fois depuis son agression, il síalimenta díun peu de pain et de chou salé.

Sauvé par miracle díune mort inévitable, le père Séraphim resta cependant cinq mois au monastère jusquíà son complet rétablissement, puis retourna à son ermitage. Toutes ces blessures ajoutées aux séquelles dues à la chute díun arbre sur lui changèrent son apparence. Jusque là élancé, il marche désormais courbé, appuyé sur un bâton, une hache ou une pioche.

Ses agresseurs, des serfs du comte Takychev du village de Kremenok, furent rapidement retrouvés et à sa demande on pardonna aux malfaiteurs qui vinrent le voir, se repentirent et lui firent la promesse de se corriger, díautant que le Seigneur lui-même incendia leur maison et ainsi furent-ils châtiés.

En 1807, mourut le deuxième recteur du désert de Sarov, le saint higoumène Isaïe, tant aimé et vénéré par le père Séraphim et son décès fut une grande épreuve pour lui. Ses trois startsy, tant aimés, Joseph, Pokhôme et Isaïe, auxquels il devait son entrée au monastère, reposaient déjà dans la tombe. Très ému, le père Séraphim vénérait leur mémoire, à chaque fois quíil allait au cimetière du monastère, et se recueillait longtemps sur leur tombes.

Devenu orphelin, le père Séraphim se trouva un nouvel exploit ascétique, le silence. Le désir de passer par cette ascèse síemparait de lui avec insistance. Saint Ambroise de Milan en parlait ainsi : " Jíen ai vu beaucoup se sauver par le silence, pas un seul par le bavardage ". Il se rappelait aussi les paroles díun autre maître : " Le silence est un mystère du monde à venir ; les paroles sont des outils pour ce monde " et par la suite, il dira lui-même : " La solitude et le silence engendrent líhumilité et la douceur, ils disposent líhomme à la piété, le rapprochent de Dieu et font de lui un ange terrestre ".

Sa vie au désert síavérait maintenant insuffisante quand il décida de faire vúu de silence. A présent, il évitait les visiteurs, ne les recevait plus dans son ermitage, et síil rencontrait quelquíun dans la forêt, il tombait la face contre terre, et ne se relevait que lorsquíil níy avait plus personne auprès de lui. Les jours de fête qui avaient lieu en semaine, un des frères lui apportait de la nourriture au désert puisque le père Séraphim avait cessé de se rendre au monastère, même ces jours-là. Un hiver, le moine venu par un chemin enneigé, arriva chez le silencieux pour lui apporter du pain et quelques légumes. Dès son entrée dans líantichambre de la cellule, le moine déposa par terre la nourriture. Sans lever les yeux sur lui, le père Séraphim le prit puis donna un morceau de pain ou de chou ; par là il signifiait au novice ce quíil devait lui apporter le lendemain. Voici en quoi il manifestait extérieurement son silence, tandis que la signification intérieure et líessence même de cette ascèse consistaient à un renoncement de tous les soucis et biens de ce monde. Il vécut ainsi dans un tel silence environ trois ans avant de síengager sur une voie plus élevée, celle de la réclusion.

Il avait alors cinquante ans quand líassemblée des anciens hiéromoines du monastère qui commençaient à se soucier de ce taciturne, afin quíil puisse communier plus souvent aux saints mystères du Christ, décida que le père Séraphim viendrait soit à Sarov, les dimanches et jours de fête, soit quíil devait revenir vivre au monastère. Au souvenir de ses vúux monastiques qui líengageaient à renoncer à sa volonté propre et à vivre líobéissance, le taciturne revint donc vivre au monastère.

Cíest le 9 mai 1810, que Séraphim le reclus, franchit à nouveau les portes du monastère de Sarov, après quinze ans passés au désert. Le recteur et les frères líaccueillirent avec joie et étonnement, mais celui-ci fut díautant plus grand quand le lendemain de son arrivée, le staretz après avoir communier aux saints mystères, síenferma dans sa cellule sans en sortir ni recevoir personne. Sa cellule était vide à part líicône près de laquelle brûlait une veilleuse constamment, et une bûche qui lui servait de chaise. Pour mortifier sa chair, il portait sous sa chemise, attachée à son cou, une croix en fonte de cinq " verchok ". (...) Il ne portait jamais de lourdes chaînes, ni de cilice car il disait : " Si on nous a offensé en parole ou en action, et que nous supportons líoffense selon líEvangile, voilà notre cilice. "

A cette époque, il mangeait vraiment très peu, et se nourrissait seulement de farine díavoine, de chou haché, et ne buvait que de líeau. Son voisin de cellule, Paul était chargé de lui procurer cette alimentation rudimentaire quíil déposait à sa porte et repartait. Il arrivait que le père Séraphim ne prenait rien et alors le moine Paul reprenait la nourriture.

Sa règle de prière demeurait aussi importante et difficile quíauparavant. Dans la semaine, il lisait tout le Nouveau Testament, et pendant la lecture, il commentait à voix haute les Saintes Ecritures. Venant près de sa cellule, de nombreux élus écoutaient de sa bouche même des paroles édifiantes. Parfois, assis sur un livre, comme síil était en train de síéteindre et abîmé dans la contemplation, il síarrêtait de lire les prières, se taisait tout en se tenant immobile devant líicône. Tous les dimanches et jours de fête, il communiait aux Saints Mystères dans sa cellule. Pour vivre toujours avec líidée de la mort, le père Séraphim avait déposé dans líentrée un cercueil en chêne près duquel il priait souvent, se préparant sans cesse à sa dernière heure.

Passées cinq années díaustère réclusion, le staretz Séraphim síétait un peu affaibli physiquement, mais la période de ses exploits níétait pas encore terminée. Il ne rompit ni son silence, ni sa réclusion même quand líarchevêque du diocèse de Tambov, son Eminence Jonas (futur exarque de Géorgie) qui désirait le voir vint à Sarov. Son Eminence accompagné de líhigoumène Niphonte, síapprocha de la cellule du père Séraphim mais la porte resta fermée. Líhigoumène voulut insister pour que le staretz leur ouvre la porte, mais líarchevêque níy fut pas favorable et plein de respect pour le staretz, il dit : " Il ne faut pas insister, ce serait un péché ", et síéloignant de la cellule, il laissa le reclus en paix.

Puis, après encore cinq années de réclusion, le staretz Séraphim accepta de recevoir les frères et les laïcs dans sa cellule, et conversait volontiers avec eux, leur enseignant avec amour la foi chrétienne et la piété. Le 25 novembre 1825, la Mère de Dieu lui apparut et lui ordonna de sortir de sa clôture pour recevoir tous ceux qui auraient besoin de son soutien, de ses conseils et de ses prières. A cette époque, le père Séraphim qui avait alors soixante-six ans et avec sa grande expérience de vie monastique díun demi siècle, síengagea sur la voie du " starchestvo ", à savoir la direction spirituelle des âmes.

Il faut préciser que le " starchetvo " est le nerf le plus vital du véritable monachisme orthodoxe ; sans lui, il est impossible díéduquer constamment líesprit par le renoncement parfait à sa propre volonté et à ses pensées. " Un staretz au monastère, cíest une reine dans une ruche díabeilles, auquel se soumet líhigoumène lui aussi. " Dans les écrits des Pères du Désert, se trouvent de nombreux exemples touchants díhumilité véritable envers le staretz. Là où se trouve un staretz, cíest là que les moines et les novices trouvent du réconfort, lui qui console dans líaffliction, réconcilie dans la dispute, tranche les doutes, enseigne, édifie, et prie avec le moine. Saint Séraphim disait au père Antoine, le supérieur défunt de la Laure Saint Serge : " Ne sois pas un père, mais une mère pour les moines ". Et ceci síappliquait bien plus au staretz quíà líhigoumène ou au recteur. Un recteur doit être parfois formellement sévère, mais le staretz est toujours tendre et bon ; líhigoumène détient le pouvoir, le staretz líamour ; il peut menacer : " je te chasserai du monastère ", le staretz lui soupire, réfléchit et dit froidement : " Fais comme tu líentends ", en faisant comprendre quíil est offensé par la désobéissance et la non exécution de ses commandements. Aussi la menace : " Je ne tíaime plus, vis comme tu líentends ", cíest bien plus que " je te chasserai " et devant une telle manifestation díamour, les personnes sont prêtes à se prosterner et à verser des larmes de repentir, afin que de nouveau il leur pardonne et les aime.

Malheureusement, dans la vie du monde on connaît peu la joie de la vie monastique, mais lorsquíon síapproche de cette vie, alors, par líintermédiaire du cúur, on arrive à connaître la joie du contact de líesprit plein de grâces du starchesko, et alors de nombreuses âmes aspirent aux saints monastères afin de síy désaltérer, de se renouveler spirituellement auprès du staretz bien aimé et ressentir la supériorité des valeurs spirituelles et intérieures sur la vanité du monde. Et en effet, ce contact spirituel et mystérieux près de tels startsy, ne cessera pas après leur mort ; líamour ne meurt jamais.

Il suffit de se rappeler ce que Saint Séraphim de Sarov disait à ses enfants spirituels : " Quand vous serez affligés, venez sur ma tombe et racontez-moi tout, comme si jíétais vivant et je vous consolerai ". Les âmes qui aiment de tels startsy, viennent sur leur tombe, ou écrivent de loin au monastère : " Vénérez le cher Père, allez sur sa tombe, murmurez-lui, ta fille, ton fils est dans líaffliction -aide-nous Père très cher... " A partir de ces mots simples mais sincères, dilués de larmes, on sent bien que líon apprécie dans le staretz son expérience spirituelle : " La parole de líexpérience est une eau vive qui désaltère líâme ; la parole sans líexpérience est une eau qui coule sur un mur ; la parole de líexpérience cíest de líor pur, sans líexpérience ce níest que du cuivre ". Et des startsy possèdent un tel trésor en abondance. " Celui qui a été tenté peut aider plus facilement celui qui est tenté ". Voilà quelle force pleine de grâce se trouve dans le starchesko et le Seigneur Dieu donne sa bénédiction au père Séraphim sur ce chemin.

Le père Séraphim, par-dessus tout aimait converser avec les moines. Il leur enseignait líexécution minutieuse de la règle monastique, le zèle pour les offices religieux. " Il faut observer notre vie comme un cierge habituellement fait de cire et díune mèche qui brûle " enseignait líascète Séraphim, " La cire, cíest notre foi, la mèche, líespérance, et le feu líamour qui les unit ensemble ; et la foi et líespérance - comme la cire et la mèche-, brûlent ensemble sous líaction du feu. Un cierge de mauvaise qualité émet une mauvaise odeur et síéteint, ainsi la mèche du pécheur devant Dieu répand une puanteur au sens spirituel. Cíest pourquoi en regardant un cierge qui brûle à líéglise, nous pensons aussi au début, au déroulement et à la fin de notre vie ; comme le cierge fond allumé devant la face de Dieu, de minute en minute notre vie síamenuise, nous rapprochant de la fin.... "

" Cette pensée nous aidera ainsi à être moins distrait à líéglise, à prier avec plus de ferveur et à faire en sorte que notre vie devant Dieu soit semblable à un cierge de cire pure, qui ne dégage pas de mauvaises odeurs ".

Dans líúuvre du salut de líâme, le père Séraphim accordait une grande force à la communion. Il conseillait aux moines et aux laïcs de síapprocher de la Sainte Communion au moment des douze grandes fêtes et de ne pas oublier de jeûner pendant les Carêmes de líannée. Il parlait de líimportance salutaire du Sacrement de líEucharistie en ces termes : " Si nous versions autant de larmes quíun océan, nous pourrions comprendre le Seigneur pour la vie quíil nous a donnée en abondance, par son Sang et son Corps très purs dont il nous nourrit et qui nous lavent, nous purifient, nous vivifient et nous ressuscitent. Et approche-toi sans douter, ne sois pas confondu et níaies seulement que la foi ".

Líamour et líhumilité étaient les qualités toutes particulières reprises dans les entretiens avec le père Séraphim. Quel que fut celui qui venait, pauvre hère ou homme riche, quel que fut le pécheur, et líétat de sa conscience, il les recevait tous et tâchait de les aider et de les consoler tous ". Tous les jours, dès la fin de la liturgie du matin jusquíà huit heures du soir, la cellule du père Séraphim était ouverte aux laïcs, mais pour les moines elle restait toujours ouverte. Seule une veilleuse et des cierges allumés devant les icônes éclairaient cette petite cellule et deux fenêtres donnaient sur les herbages au loin. Par terre, il y avait des sacs de sable et de pierres qui devaient certainement lui servir de lit.

Pendant ses entretiens, le père Séraphim était vêtu comme à líaccoutumée de sa soutane blanche et de sa mante, et quand il communiait, il revêtait líepitrakhil et des sur-manches. La force de ses paroles venait surtout du fait que ce quíil prêchait, il le mettait en pratique, car quels que soient les exercices spirituels quíil recommandait aux autres, il les faisait lui-même et les accomplissait avec líaide de la grâce.

" Enseigner aux autres - disait père Séraphim - cíest aussi facile que de jeter des pierres du haut de notre église, mais accomplir ce que tu enseignes, cíest porter des pierres au sommet de líéglise ". Il accueillait avec un amour tout particulier ceux qui voulaient se corriger et qui se repentaient sincèrement de leur péchés. Tout en parlant avec ces personnes, il leur imposait líepitrakhil et posant sa main droite sur leur tête il prononçait ces paroles : " Jíai péché, Seigneur, jíai péché en mon âme et en mon corps, en action, en pensée, et par tous mes sens : la vue, líouïe ; líodorat, le goût, le toucher, volontairement et involontairement ". Ensuite il prononçait la prière díabsolution habituelle, enduisait díhuile provenant de la veilleuse par un signe de croix sur le front du visiteur et lui donnait, si cíétait le matin, de líeau bénite de la Théophanie et du pain.

Les personnes repartaient remplis díune joie inhabituelle dans líâme. Le père Séraphim conseillait avec insistance díavoir toujours dans le cúur la prière de Jésus : " Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, prends pitié de moi, pécheur " " Toute ton attention et ton éducation doivent être concentrées dans cette prière ", enseignait-il. Mis à part cela, il insistait surtout afin que chaque chrétien suive au moins la petite règle de prière. " Une fois éveillé, disait-il, il faut dire trois fois le Notre Père, trois fois " Réjouis-toi Marie " et une fois le " Je crois en Dieu ". Ensuite au repos, en voyage, ou au travail dire la prière de Jésus et en compagnie des autres, répéter en pensée : " Seigneur, prends pitié " ; avant le repas, reprendre la règle du matin ; après le déjeuner jusquíau soir, au lieu de la prière de Jésus dire : " Très Sainte Mère de Dieu, sauve-moi, pécheur " ; avant de síendormir, à nouveau redire la règle du matin. Celui qui nía pas le temps, quíil dise les règles en chemin, ou sur son lit se souvenant que " tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur seront sauvés " et celui qui a le temps quíil lise aussi les verset de líEvangile, les acathistes, les psaumes. Cette petite règle de prière a une grande qualité : la première prière du " Notre Père " est le modèle même de la prière donnée par le Seigneur lui-même ; la deuxième : " Réjouis-toi, Vierge Mère de Dieu ", fut celle prononcée par un ange descendu du ciel et la troisième, le Symbole de la foi, renferme tout les dogmes de la foi.

Nous avons dit plus haut que la santé du père Séraphim en ce temps-là était déjà bien chancelante. A cause de ses nombreux travaux, des stations sur la pierre et de sa réclusion, il souffrait des jambes et avait de forts maux de têtes, ce qui líobligeait à respirer líair pur et à sortir souvent la nuit de sa cellule.

Depuis 1825 (après líapparition de la Mère de Dieu), depuis la bénédiction du recteur, le père Séraphim allait tous les jours à deux verstes du monastère, à un endroit quíon appelait le désert proche, contrairement à son ermitage en forêt qui était le désert lointain. Là il y avait une source díeau froide pure et fraîche près de laquelle un tronc díarbre tenait lieu de chapelle comme il en existait tant dans líimmensité de notre patrie, à la croisée des chemins, près des sources et des puits. Sur ce tronc, il y avait une icône de Saint Jean le Théologien, et cíest pourquoi cette source síappelait " Théologique ". Autour de la source, il y avait des plates-bandes que le staretz dessinait tout en abaissant le fond de la source avec des pierres pour y cultiver des légumes. Sur la colline, il y avait un abri où le Père Séraphim se protégeait de la chaleur et le soir il rentrait à Sarov. Très tôt, vers quatre heures et même deux heures du matin, il allait au désert proche vêtu de sa soutane et de sa mante, portant une hache à la main et un sac rempli de pierres ou de sable et surtout avec líEvangile. Et quand on le questionnait sur son sac, il donnait toujours en réponse ces paroles de Saint Ephrem le Syrien : " Je fatigue celui qui me fatigue ".

A cette époque de nombreux orthodoxes russes de tous les coins de notre patrie désiraient aller voir le père Séraphim et suivre ses conseils. Son nom commençait à circuler par le bouche à oreille bien au-delà des limites gouvernementales de Tambov et des régions voisines. On pouvait observer en ce temps-là à Sarov, durant les jours de fêtes, un très grand spectacle particulièrement solennel, quand le père Séraphim revenait de líéglise après avoir communié aux saints mystères. Le staretz, voûté et vêtu de sa mante, de líépitrakhile et de ses sur-manches, marchait lentement, avec sur son visage de vieillard la marque díune joie particulièrement radieuse.

Partout sur la route du monastère ou du désert, une foule de gens líattendait. Ses entretiens avec les visiteurs étaient remplis díune grande force spirituelle, ses paroles enlevaient comme un bandeau sur les yeux et ouvraient de nouveaux horizons. Il disait toujours ce qui était le plus important et le plus utile dans des circonstances données. Ses paroles réchauffaient le cúur, amenaient à la repentance, engendraient le désir de se corriger et de síaméliorer. Il pénétrait líâme des personnes et réveillait leur conscience endormie.

Líascète de Sarov a laissé un très grand testament spirituel aux jeunes générations, aux enfants dans leurs rapports avec leur parents. A líépoque actuelle, alors que parmi les jeunes générations on en voit beaucoup oublieux de leur devoir filial envers les parents, et tandis que les bons conseils et líéducation reçus des parents ne trouvent pas de terre réceptive dans líâme de leurs enfants, le testament du père Séraphim à une valeur toute particulière. Le grand ascète enseignait aux enfants le respect envers les parents même si ces derniers avaient des faiblesses qui les rabaissaient. Quant à líoubli du devoir filial de ces jeunes, líexemple suivant est particulièrement instructif : un homme arriva chez le staretz avec sa mère qui était alcoolique. Il allait informer le père Séraphim de la faiblesse de sa mère, quand le staretz posa un instant sa main droite sur ses lèvres et ne lui permit pas de lui dire un seul mot à ce sujet.

Ainsi les fidèles orthodoxes se nourrissaient du réconfort plein de grâces du staretz Séraphim. Parfois venaient à lui plus de deux mille personnes. Son amour réchauffait chacun avec une telle force que souvent des torrents de larmes coulaient des yeux de ceux dont le cúur qui était dur comme la pierre se brisait en ce jour.

Le staretz, grand zélateur de líorthodoxie, vénérait surtout la mémoire de ceux qui en avaient expliqué et institué líessence et il portait une grande attention aux úuvres du pape saint Clément, celles de saint Jean Chrysostome, de saint Basile le Grand, de saint Grégoire le Théologien, et aussi de saint Athanase díAlexandrie, de saint Cyrille de Jérusalem, de saint Epiphane de Chypre, de saint Ambroise de Milan. Il aimait se souvenir de leur solide persévérance dans la foi. Pour sauvegarder les dogmes de líorthodoxie, persuasif le staretz donnait líexemple du bienheureux Marc díEphèse, qui avec un courage inébranlable avait su défendre líorthodoxie au Concile de Florence. Le père Séraphim aimait aussi à dire en quoi consistait la véritable orthodoxie et se réjouissait de ce que notre Eglise renfermait en elle-même la vérité du Christ dans toute sa plénitude et son intégrité.

Líascète avait aussi une très grande vénération pour nos saints russes, et il parlait de leur vie, et en tirait des exemples à imiter. En général, la vie des saints représentait pour lui des lettres vivantes dont il se servait pour enseigner le peuple. On a même conservé pour la postérité de nombreux cas où par de simples conversations, il exerçait une influence étonnante sur des visiteurs indifférents.

" Nous avons trouvé le staretz qui travaillait au désert, écrit par la suite un visiteur - il défaisait une plate-bande avec sa pioche. Quand nous nous sommes prosternés devant lui, il nous a bénis et posant les mains sur ma tête, il a dit le tropaire de la Dormition : " Dans la naissance, elle a gardé sa virginité... " Ensuite il síest assis sur une la plate-bande et il nous a ordonné de nous asseoir, mais nous sommes restés à genoux devant lui sans le pouvoir, et nous avons écouté ce quíil disait sur la vie future, la vie des saints, líintercession et la protection de Notre Souveraine, la Mère de Dieu, pour nous pécheurs, et au sujet de ce qui est nécessaire en cette vie pour la vie éternelle. Cet entretien ne dura pas plus díune heure, mais cette heure nía aucune comparaison avec toute ma vie passée. Tout au long de líentretien, je sentais dans mon cúur une douceur céleste inexplicable, sans aucun rapport avec quelque chose de terrestre. Dieu seul sait comme elle me fut infusée. Auparavant, tout le monde spirituel míétait indifférent. Le père Séraphim fut le premier à me faire éprouver toute la puissance du Seigneur notre Dieu, sa miséricorde inépuisable et sa suprême perfection.

Par dessus-tout, il possédait le don de clairvoyance à un niveau très élevé. Il disait lui-même à líun de ses enfants spirituels : Ce que míordonne le Seigneur, comme à un serviteur, je le retransmets à celui qui le demande comme une chose utile. Je considère la première pensée qui me traverse líesprit comme un signe de Dieu et je parle, sans savoir ce que mon interlocuteur a sur le cúur, mais je crois seulement que cíest ainsi que Dieu me dévoile sa volonté. Je níai pas de volonté propre et à qui semble bon, je le transmets. Cíest pourquoi grâce à ce sens mystérieux du don de clairvoyance, le père Séraphim, sans avoir lu les lettres, en connaissait le contenu et y répondait. Ainsi, après sa mort on a trouvé beaucoup de lettres non ouvertes, mais les réponses avaient été données de son vivant.

Il a aussi prédit les années terribles de la campagne de Crimée et il disait que " Trois puissances se monteront contre la Russie, ce qui líépuisera énormément, mais le Seigneur aura pitié díelle et la protégera grâce à líorthodoxie.

Le staretz au regard juste avait aussi prédit la glorification de saint Nitrophane de Voronej et à líoccasion de líinvention des reliques du saint, il adressa une lettre de félicitation à líarchevêque de Voronej, alors quíil níy avait eu à cette époque aucune révélation et aucun miracle sur la tombe du saint.

Le père Séraphim connaissait par líesprit de nombreux ascètes avec lesquels il communiquait quoiquíils fussent loin de lui, et que jamais ils ne le virent. Par exemple, on connaît bien sa relation remplie de clairvoyance merveilleuse avec Georges le Reclus du Don du monastère de la Mère de Dieu, qui avait eu secrètement le projet de síisoler encore plus. Personne, à part lui-même, ne connaissait cette hésitation secrète quand soudain un staretz arriva chez lui et lui dit : " Le père Séraphim mía ordonné de te dire : " Nías-tu pas honte, tu es resté tant díannées en réclusion et tu serais vaincu par de telles pensées ennemies pour quitter cette place ? Ne va nulle part ailleurs : la Très Sainte Mère de Dieu tíordonne de rester ici ".

Par ce don de clairvoyance, le père Séraphim communiquait spirituellement avec le reclus Daniel díAtchinsk, retiré en Sibérie. En effet, le staretz Séraphim avait su lire de ses yeux spirituels, en quoi consistait le bonheur familial díun officier propriétaire de la région de Riazan. Celui-ci alla à Sarov et lui demanda de lui accorder sa bénédiction pour son mariage. Le père Séraphim lui indiqua une fiancée que Dieu lui avait désigné. Elle vivait non loin du propriétaire et le staretz lui dit son nom. Mais líofficier lui dit que cíest une autre quíil devait épouser. " Ceci ne tíapportera pas la joie mais le chagrin et les larmes " lui répondit le staretz. Líofficier se maria selon ce quíil avait choisi et moins díun an après il devint veuf. Il retourna chez le staretz, puis épousa ensuite celle quíil lui avait indiqué la première fois et ils vécurent heureux.

Le père Séraphim avait aussi le don de guérison. Il enduisait les malades qui venaient à lui avec de líhuile de la veilleuse qui brûlait dans sa cellule devant líicône de la Mère de Dieu de Tendresse quíil appelait " Joie de Toutes les Joies " et quand on lui demandait pourquoi il le faisait, díhabitude il répondait : " Nous lisons dans les Saintes Ecritures que les Apôtres enduisaient díhuile les malades et que beaucoup étaient guéris. Qui faut-il suivre, sinon les Apôtres ? " Et ceux qui recevaient de lui líonction guérissaient. Par les prières du père Séraphim, une telle vertu miraculeuse se transmettait aussi sur líeau de la source du désert proche. Cette eau restée pure de nombreuses années, les malades venaient síy lavaient toute líannée et même durant líhiver et obtenaient la guérison. Dans les vies écrites sur le père Séraphim, on rapporte de nombreux cas de guérisons miraculeuses, grâce à cette eau bénite.

En effet, en 1830, un jeune officier à cheval passa près de Sarov pour son activité militaire et entendant en chemin les récits sur le staretz, il désira aller le voir mais níarrivait pas à se décider, ayant peur que le staretz dévoilât ses péchés devant les autres et surtout ses pensées sur les icônes. Il lui semblait que líúuvre des mains díhomme, souvent pécheresse, ne pouvait contenir la grâce et être un objet de vénération. Mais peu après il dut, avec une équipe de subordonnés, repasser près de Sarov et là, suivant le conseil de son père, il décida díaller voir le staretz et voici que qui se passa par la suite.

" Près de la cellule, il y avait beaucoup de monde qui était venu chercher une bénédiction. Bénissant quelques-uns, le père Séraphim me regarda, - écrivit ensuite líofficier- , et il me fit signe de la main de míapprocher de lui. Je lui obéis, avec crainte et amour me prosterna devant lui demandant sa bénédiction pour suivre la route et partir à la guerre à líépoque, et ses prières pour la sauvegarde de ma vie. Le père Séraphim me bénit avec sa croix de cuivre qui pendait sur sa poitrine, míembrassa, commença à me confesser, me disant lui-même mes péchés comme si je les avais commis devant lui. A la fin de cette confession consolatrice, il me dit : " Il ne faut pas céder à la peur que le diable imprime aux jeunes gens mais il faut alors affermir son esprit et se souvenir que malgré nos péchés, nous sommes couverts par la grâce de notre Rédempteur sans la volonté duquel pas un seul cheveu ne tombe de notre tête. "

Après cela il se mit à me parler de mon erreur à propos de la vénération des icônes : " Comme il est mauvais et nuisible de vouloir pénétrer les mystères divins, inaccessibles au faible esprit humain, et par exemple savoir comment agit la grâce divine à travers les icônes, comment elle guérit les pécheurs comme nous ", ajouta le staretz " et non seulement le corps mais aussi líâme, de telle sorte que les pécheurs trouvant en eux-mêmes la grâce du Christ, soient sauvés et obtiennent le Royaume des cieux. " Ecoutant le père Séraphim, jíen oubliais mon existence terrestre. Les soldats qui revenaient avec moi du régiment furent eux aussi dignes de recevoir sa bénédiction et il nous prédit quíaucun díentre nous ne périrait au combat, ce qui se révéla vrai.

Quittant le père Séraphim, je déposais à côté de lui trois roubles pour le cierge. Mais líennemi míinspira cette pensée : Pourquoi laisser tant díargent au saint père ? Cette pensée me troubla et je me dépêchai de la lui dire. Jíentrais en priant chez le staretz et lui prévoyant mes paroles, me dit la chose suivante : " Pendant la guerre avec les Gaulois, un chef de guerre allait perdre sa main droite mais celle-ci avait fait don à un anachorète pour líEglise et par les prières de la Sainte Eglise, le Seigneur la sauva. Comprends-le bien et dorénavant ne regrette pas tes bonnes actions. Ton argent servira à la construction du monastère de Divievo, pour ta santé ! " Ensuite le père Séraphim me confessa encore une fois, míembrassa et me bénit, me donna quelques morceaux de pain sec et de líeau bénite quíil me versa dans la bouche en disant : Que la Grâce divine chasse líesprit malin qui se trouve dans le serviteur de Dieu, Jean ". Le staretz me donna du pain sec pour la route, de líeau bénite et surtout une prosphore quíil mit lui-même dans ma casquette. Enfin recevant sa dernière bénédiction, je lui demandais de prier pour moi. Et là il dit : ëMets ton espoir en Dieu et demande-lui son aide, apprends à pardonner à ton prochain et tu obtiendras tout ce que tu níoses pas demanderí. Durant toute la compagne militaire, je combattis plusieurs fois et partout le Seigneur me gardait par les prières de son Juste. "

Et voici quíun jour un général arrive chez le staretz et raconte : " Vos prières míont sauvé pendant la campagne de Turquie. Cerné par les régiments ennemis, je suis resté seul avec le mien. Il níy avait aucun espoir de salut. Je priais avec ferveur et continuellement : " Seigneur, prends pitié par les prières du staretz Séraphim ", et je mangeais le pain sec que vous míaviez donné en bénédiction et buvais líeau, ainsi Dieu me garda intact de líennemi. Le staretz me répondit : " La foi et surtout la prière du cúur incessante sont un très grand moyen de salut ".

Parfois il se montrait un véritable pacificateur pour la vie conjugale des époux déjà séparés. Une mère, ayant perdu de vue son fils, et venue se prosterner aux pieds du staretz, le retrouva trois jours après à Sarov.

A cette époque líaménagement de sa cellule faisait penser à un iconostase. Il y avait des icônes et beaucoup de veilleuses brûlaient ainsi que des centaines de cierges posés sur des plateaux ronds pour les chrétiens vivants et défunts. Le staretz lui-même expliquait de cette manière pourquoi il y avait une telle quantité de veilleuses et de cierges : " Jíai beaucoup de personnes - disait-il à Motovilov qui le vénérait - qui me sont dévouées et qui comblent de bienfaits mes orphelines (les religieuses du monastère de Divievo). Elles míapportent de líhuile et des cierges et me demandent de prier pour elles. Et voilà quand je lis ma règle, je les mentionne chaque jour. Et parce que je ne pourrais pas dire à chaque paragraphe de la règle, à líendroit quíil convient, les très nombreux noms et que le temps me manquerait pour líexécuter entièrement, je mets un cierge pour chacune díelles en sacrifice à Dieu, pour díautres, pour plusieurs personnes, je mets un grand cierge, pour díautres encore jíentretiens les veilleuses, et là où il faut je les mentionne dans le règle en disant : " Seigneur, souviens-toi de tous tes serviteurs, pour leur âme, jíallume, moi ton serviteur Séraphim, ces cierges et cet encensoir ". Ce níest pas une fantaisie humaine qui vient de moi-même, serviteur Séraphim, ni un zèle sans fondement, mais je vous citerai les mots de líEcriture Sainte. Dans la Bible il est dit que Moïse entendit la voix du Seigneur lui dire : " Moïse, Moïse, dis à ton frère Aaron quíil élève jour et nuit devant moi un encensoir. Cela est bon à mes yeux et ce sacrifice míest agréable ! " Et cíest pourquoi la Sainte Eglise a pris líhabitude díallumer des encensoirs ou des veilleuses posés devant les icônes dans les saints temples et dans la maison des fidèles.

Arrivant au terme de sa vie, le père Séraphim níadoucissait pas líaustérité de son mode de vie. Il ne mangeait quíune fois par jour. Il portait une soutane de tissu noir et épais et pour se protéger de la pluie ou de la chaleur, il revêtait une petite mante de cuir épais, avec une ouverture pour la tête et les bras. Par-dessus son vêtement, il se ceignait díun tissu blanc et portait la croix de sa mère. Un homme riche lui demanda : " Pourquoi portez-vous de tels haillons ? " Le staretz répondit : " Le tsarévitch saint Joséphat considère le vêtement que lui avait donné un anachorète, bien plus précieux que la pourpre impériale. "

Il dormait assis par terre le dos appuyé contre le mur et les jambes étirées. Il se mettait souvent sur des briques ou sur des bûches et les derniers temps, il se mettait à genoux et dormait le visage contre terre, se tenant la tête dans ses mains ce qui procurait à líascète une tension particulière propice à la contemplation ; et cíétait comme si déjà il avait quitté la terre.

A un officier qui lui demandait síil pouvait transmettre de sa part quelque chose à un parent de Koursk, le père Séraphim en montrant le visage du Sauveur et de la Mère de Dieu lui fit à líépoque, cette réponse caractéristique : " Voici mes parents, mais pour mes parents en vie, je suis déjà un mort vivant. "

En ce temps-là, la Russie entière vénérait déjà le Père Séraphim et les ascètes contemporains le considéraient comme une grande figure spirituelle. Certains évêques lui écrivaient pour demander conseil. Antoine, líarchevêque de Voronej, que le staretz appelait ëgrand archevêque de Dieuí, le vénérait tout particulièrement. Et en effet, líarchevêque Antoine avait une réserve inépuisable de charité envers les autres. Lui-même confirmait cette idée : " Líaffliction pour les autres est parfois plus utile à líâme que líaffliction pour soi-même ".

Les infirmités séniles affaiblissaient déjà le père Séraphim, à tel point quíil ne pouvait plus aller tous les jours au désert proche et y recevoir les visiteurs ; mais son apparence extérieure était radieuse et joyeuse. Jusquíà ses derniers jours, il garda un esprit clair et large. Les personnes bien éduquées le considéraient comme un homme doué, sentaient son esprit puissant et une source vive créatrice. Son visage était resté pâle, son regard limpide et pénétrant, et une rougeur comme enfantine aux joues sous son épaisse chevelure grise.

Quand les derniers mois de la vie du staretz arrivèrent, il se mit à parler de la mort. On le voyait souvent debout dans líentrée de sa cellule près du cercueil de chêne quíil avait préparé. Là il méditait sur la vie de líau-delà et son cheminement terrestre lui semblait si imparfait quíil pleurait amèrement. Faisant ses adieux, le staretz disait : " Nous ne nous verrons plus ".

Quand certains émettaient le désir de venir à Sarov pour le Grand Carême, le staretz répondait : " Alors mes portes seront fermées. Vous ne me verrez plus ".

Au mois díaoût, son Eminence líarchevêque de Tambov, Arsène, qui deviendra le métropolite de Kiev, vint rendre visite au père Séraphim, quatre mois avant sa mort. Le staretz lui donna un chapelet, quelques cierges enveloppés dans de la toile, une bouteille díhuile à brûler et un pantalon de laine. Ensuite il lui apporta à part une bouteille de vin díéglise. Tout ceci signifiait que le staretz demandait quíil priât pour lui après sa mort. A líannonce de son décès, les cierges, líhuile et le vin que líarchevêque avait gardés, furent utilisés, à la liturgie quíil célébra pour le repos de líâme du staretz. Le père Séraphim avait ordonné díenvoyer à certaines personnalités des lettres les invitant à venir vite le voir et confia à díautres la mission de leur transmettre des conseils utiles. " Eux-mêmes ne me verront pas " expliquait le staretz.

Son dernier entretien avec un laïc fut sans doute très émouvant et très riche. Les chrétiens qui vénèrent la mémoire de notre très cher homme de Dieu devrait surtout se souvenir de cet entretien.

" Fais le bien... on te réprimande ; ne réprimande pas. On te chasse, supporte ; on tíinsulte, loue ; condamne-toi toi-même, ainsi Dieu ne te condamneras pas ; soumets-toi à la volonté du Seigneur ; ne mens jamais, pense au bien et au mal que tu as fait : bienheureux líhomme qui sait cela. Aime ton prochain, il est ta propre chair. Si tu vis selon la chair, alors tu perdras ton âme et ton corps, mais si tu vis selon Dieu, tu sauveras les deux. Beaucoup ont péri pour avoir cédé au monde ; celui qui ne fait pas le bien, celui-là pèche.

Il faut aimer tout le monde et surtout Dieu. Sois bon avec tes subordonnés, en allégeant leurs travaux et non pas par du mal. Donne à boire et à manger, sois juste, le Seigneur est patient, Dieu sait peut-être, et il supportera encore longtemps. Fais ainsi : puisque Dieu pardonne, pardonne aussi... Tout ce que la Sainte Eglise a accepté et embrassé doit être cher au cúur du chrétien. Níoublie pas les jours de fête ; sois sobre, va à líéglise............, prie pour tous : ainsi tu leur feras beaucoup de bien ; donne des cierges, du vin, de líhuile à líéglise, la générosité te fera beaucoup de bien. Mange peu durant le Carême. Le pain et le vin ne font de mal à personne. Ainsi des gens ont vécu cent ans. Líhomme ne vit pas que de pain. Ce que líEglise a fixé aux sept conciles úcuméniques, observe-le. Malheur à celui qui ajoutera ou retranchera un seul mot à cela. Ce que les médecins disent à propos des justes, qui guérissent des plaies infectées par le seul contact ; le Seigneur nous interpelle, mais nous ne voulons pas nous-mêmes.

Acquiers líhumilité par le silence. Dieu a dit au prophète Isaïe : " Qui regarderai-je prier sinon qui est doux, silencieux et tremble à mes paroles ? " " Celui qui communie sera sauvé partout ; mais celui qui ne communie pas, níest pas avec Moi ".

Cet entretien eut lieu le 25 décembre 1832, le jour de Noël. Ce grand jour, il assista debout à la liturgie célébrée par líhigoumène Niphonte, supérieur du monastère. Le père Séraphim communia comme à líaccoutumée et après la liturgie parla longuement avec líhigoumène. Il le questionna sur beaucoup de moines, surtout les jeunes. Alors le staretz lui rappela quíon le déposa à sa mort dans le cercueil en chêne quíil avait lui-même réalisé. Ce même jour, le staretz donna au hiéromoine Jacques líicône en émail de líapparition de la Mère de Dieu à saint Serge de Radonège et demanda quíà sa mort celle-ci soit mise dans son cercueil. Cíest líarchimandrite Antoine, dont il est parlé plus haut, qui avait envoyé cette icône de la Laure de la Trinité saint Serge.

La fin de líannée 1832 arriva. La nouvelle année 1833 commençait un dimanche. Pour la dernière fois, le staretz alla à la liturgie à líéglise de líhôpital des Thaumaturges de Solovki, qui lui était si cher et où se trouvait avant sa cellule où il avait reçu la grâce de la guérison miraculeuse et líapparition de la Mère de Dieu. Il avait lui-même rassemblé les dons pour la construction de cette église et avait lui-même réalisé de ses mains un autel en cyprès.

Le père Séraphim arriva à líéglise, embrassa toutes les icônes en y mettant des cierges. Il resta debout durant la liturgie, communia aux saints mystères et fit ensuite ses adieux à tous les frères présents, les bénissant et les embrassant, il leur dit : " Sauvez-vous, ne vous attristez pas, soyez vigilants. Aujourdíhui des couronnes nous sont préparées ". Au moment des adieux, il se prosterna devant la croix et líicône de la Mère de Dieu, ensuite il fit le tour de líautel et sortit de líéglise par les portes nord, comme síil voulait dire que líhomme vient au monde en naissant et le quitte en mourant.

Après la liturgie, le staretz, reçut la súur du monastère de Divievo, Irène Vassilievna, à laquelle il donna deux cents roubles en assignats pour líachat de pain pour sa communauté. Ensuite il alla chez le hiéromoine du désert de la haute montagne díArzamas, Theoktisk. En le quittant, le staretz lui dit : " Reste célébrer ici ". Níayant pas le temps de rester à Sarov et níayant pas compris les paroles du père Séraphim, le hiéromoine síen alla. Mais le staretz lui dit encore : " Alors demain tu célèbres à Divievo ". Et en effet, le hiéromoine Théoktisk reçut la nouvelle du décès du père Séraphim à Diviévo et y célébra pour lui une panikhide.

Ce jour-là aussi, il y avait chez le staretz une autre moniale de Diviévo à laquelle il dit : " Matouchka, quelle nouvelle année aurons-nous maintenant, la terre versera des larmes ". La súur ne comprit pas que le staretz parlait de sa mort. Comment le père Séraphim passa-t-il le dernier soir de sa vie ? Nous ne le savons que grâce à son voisin de cellule, le frère Paul ; sa cellule avait une entrée commune avec celle du père Séraphim et les cellules elles-mêmes étaient séparées par un mur sans porte. Le père Paul était un bon moine, humble, ne condamnant jamais personne, et le staretz qui avait confiance en lui disait à son sujet : " Le frère Paul grâce à la pureté de son cúur entrera sans peine dans le Royaume de Dieu. Il ne juge ni níenvie jamais personne, mais ne connaît que ses propres péchés et sa nullité ". Bien quíil níétait pas à proprement parler un aide de cellule, puisque le père Séraphim níen avait pas, il arrivait que le père Paul, étant son voisin, líaidait en lui rendant quelques services. Le père Paul avait prévenu le staretz à plusieurs reprises, car celui-ci ayant líhabitude de laisser brûler dans sa cellule, pendant son absence, de nombreux cierges pouvaient provoquer un incendie. Mais le père Séraphim lui répondait toujours à cela : " Tant que je serai en vie, il níy aura pas díincendie, mais quand je mourrai, un incendie révélera ma mort. "

Le 1er janvier, le père Paul avait remarqué que le père Séraphim était sorti trois fois de sa cellule pour aller à líendroit quíil avait choisi pour son enterrement, et en y restant debout, il regarda longtemps la terre, et le soir il chanta dans sa cellule les chants de Pâques : " Ayant vu la résurrection du Christ... Brille, brille Jérusalem. O grande et très sainte Pâques du Christ ! ". Ces chants solennels entrecoupés díautres prières triomphantes, prouvaient que líesprit du père Séraphim síétait élevé vers les demeures célestes déjà prêtes pour lui.

Le matin du 2 janvier, sortant de sa cellule pour se rendre à la première liturgie, le père Paul sentit une odeur de fumée dans líentrée qui venait de la cellule du père Séraphim. Le père Paul essaya díouvrir la porte qui était fermée de líintérieur par un crochet. Il dit alors la prière habituelle de visite aux frères. Il níy eut aucune réponse. Alors le père Paul sortit sur le perron et voyant dans líobscurité les frères qui allaient à líéglise, il les appela pour vérifier ce quíil avait prédit à propos de líincendie, pensant en même temps que le père Séraphim était certainement parti au désert lointain. Líun des frères qui passaient, le novice Anikita se précipita sur la porte de cellule du père Séraphim et la secouant violemment fit arracher le crochet intérieur. Puisque le jour se levait à peine et quíil faisait sombre dans la cellule, on ne pouvait rien voir dans líobscurité ; on ne sentait que líodeur des coupons de tissu qui commençaient à brûler à líentrée de la porte, mais on ne voyait ni entendait le staretz.

Le père Paul et le novice Anikita se mirent à chercher le père Séraphim à tâtons, allumèrent ensuite un cierge, et virent alors que le staretz se tenait à sa place habituelle à genoux près de líanatoï, la tête nue et sa croix de cuivre sur la poitrine ; ses yeux étaient fermés, ses bras croisés reposaient sur líanatoï, sur le livre de prière où se trouvait sa règle de prière et devant líicône de la Mère de Dieu de Tendresse. Sa tête penchée en prière reposait sur ses bras. La première impression des deux moines étant que le staretz síétait endormi, ils essayèrent de le réveiller doucement, mais aussitôt ils comprirent que le père Séraphim avait émigré vers le Seigneur, que son âme síétait envolée vers un autre monde, un monde éternel, tandis que son visage continuait à refléter la prière élevée et la joie spirituelle du défunt.

Cette nuit-là, revenant des mâtines, le staretz Philarète qui síétait illustré au désert de Glinka, dans le gouvernement de Koursk, montra à ses frères une lumière inhabituelle dans le ciel et dit : " Voici comment síélèvent les âmes des justes. Aujourdíhui à Sarov, líâme du père Séraphim síélève au ciel ".

On lava selon líhabitude monastique le front et les genoux du staretz, on le revêtit de ses habits monastiques, et on le déposa dans le cercueil quíil avait préparé ; on y mit líicône émaillée de saint Serge et on líemmena aussitôt à líéglise.

La nouvelle de la mort de líextraordinaire staretz se répandit rapidement de tous côtés. Une multitude de personnes arriva à Sarov. Si líon prend en compte líaffection sans bornes que le père Séraphim portait aux êtres et qui envahissait chaleureusement ceux qui líaimaient, alors on comprendra líimpact que son décès produisit. Ses paroles : " La terre gémira de pleurs et de larmes ", se réalisaient dans toute leur mesure. Le cercueil resta ouvert durant huit jours. Le jour de líenterrement des milliers de personnes se retrouvèrent à Sarov pour ressentir encore plus fortement dans leur prière leur parenté spirituelle envers celui qui vivait maintenant dans líéternité, et déjà illuminé par la bénédiction divine.

Le déroulement rigoureux de líoffice monastique díenterrement, la profondeur des chants liturgiques, et les sonorités pleines de componction des chants funèbres accompagnèrent dignement le défunt, dont les chers restes furent descendus dans le tombeau líéglise de la Dormition du désert de Sarov.

Dans líéglise Saint Vladimir de Kiev, notre peintre russe Vasnietsov a peint autour de la coupole une úuvre au contenu spirituel appelée "Les Morts du Paradis". Cette úuvre remarquable reproduit avec une force extraordinaire líaspiration des âmes des saints vers Dieu et leur joie pour líéternité de líunion divine.

Cíest dans ce tel envol si joyeux vers Dieu que líâme du juste de Sarov síéleva vers les demeures célestes pour annoncer ensuite au monde et par-dessus tout au peuple russe une source inépuisable de miracles et la grande intercession du serviteur de Dieu Saint Séraphim par sa glorification.
 

Source : © Russie.net